anonyme 38 ans, 5 IVG

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J'ai 38 ans et souhaite témoigner anonymement. Je suis dans la salle d'attente de la clinique, salle d'attente qui fait office d'hall.

Vous êtes enceinte ? me dit une voisine

– "Oh non pour moi c'est fini les enfants. J'en ai déjà cinq."

Le ton est détaché. Je m'entends parler comme un robot. Je souris.

"Et vous , c'est pour quand ?" dis-je

– "juillet".

-"Vous allez voir : ça va vite passer".

Il n'y a que des femmes au gros ventre. Elles sont parfois accompagnées.On lit leur bonheur dans les yeux. un bonheur partagé. Ils sont deux.Je suis seule.Le médecin a plus de deux heures de retard. En deux heures on a le temps de se poser beaucoup de questions. Est-ce le bon choix ? On a le temps de voir le bonheur et de cacher sa tristesse. Prendre un air détaché.

On a le temps de mesurer son malheur en regardant la joie des autres. Ils se tiennent la main. Elle caresse son ventre. Ils se parlent. ils rient, se sourient. Ils sont deux. Ils savourent leur bonheur.Deux heures trente de retard. Je voudrais ne pas être là et fuire. Que cela ne soit jamais arrivé.Je voudrais être trois. Je suis seule dans ce hall lugubre. Les futures mamans partagent leurs questions. Moi , je ne suis pas préssée, je ne suis "plus" enceinte et d'un air détaché, je m'envole dans mes pensées :

"Je serais toujours avec toi. Mon petit cœur. Je fais cela pour toi. J'ai si peur de ne pas y arriver toute seule. J'ai si peur de ne pas être la mère qu'il te faut. J'ai si peur et je me pose mille questions. Dieu, que les hommes sont lâches …Dieu, pardonne moi. Mon petit cœur, pardonne moi. Tu seras avec Adèle, Émile et Bella. Parfois, souvent, tout le temps je penserai à toi. Mille larmes couleront sur mes joues et mes yeux rougis regarderont le ciel, cherchant un signe, une réponse, un pardon. Un jour je vous rejoindrai. Nous serons tous réunis pour toujours et nul ne nous séparera. Plus personne ne choisira pour nous. Je pourrais enfin faire votre connaissance, vous dire pour de vrai : pardon. Je ne vous chercherai plus parmi les étoiles.

Trois heures de retard. J'entre dans le cabinet. Je ne peux retenir mes larmes.

Pardon petit cœur … Pardon …Un jour, je te promets que je t'expliquerai. Je te dirai ma vie. Je te dirai combien j'ai eu peur de ne pas y arriver, de ne pas être une bonne maman. Un jour, je te dirai que je n'ai pas eu le temps de penser. C'est comme si j'avais été happée dans un tourbillon noir avec la peur de ne pas savoir t'éduquer, t'élever, payer ta nourriture et t'offrir un univers plein de promesses. Tu sais, petit cœur , les hommes sont lâches . Ce soir, je te parle beaucoup. Je voudrais que tu soies avec moi. Je voudrais t'attendre. Je voudrais que nous soyons trois. Pardon pour ma lâcheté. Je suis punie pour le reste de ma vie.J’attendrai, j'espère que tu me pardonneras quand on se retrouvera. Adèle, Émile, Bella et toi petit cœur êtes ensemble. Je voudrais vous rejoindre, vous expliquer et vous demander pardon d'avoir été aussi lâche .

Je ne supporte plus la vision d'une femme enceinte. je ne supporte plus la vision d'un bébé. J'ai mal depuis tout ce temps. À chaque fois j'y ai cru. À chaque fois « les géniteurs » ont niés ce que vous étiez pour moi. À chaque fois, j'ai eu peur. Je pleure depuis ce temps. 

Depuis toi, Adèle. J'ai tout fait pour te sauver. Tout. Tout. Mais il a prit rdv au planning et le lendemain je passais au bloc. Émile, j'ai fais ce que j'ai pu. J'ai essayé, j'ai fais de mon mieux. Ton géniteur me demandait combien coûtait un landau. Sa mère me disait : "il aura peut être les yeux bleus". C'était tellement irréel que le géniteur changea d’avis. Il reprit rdv pour moi. Mes supplications n'y changèrent rien. Tu fus « enterré » dans le pot de fleur de la terrasse. Bella, ton géniteur est parti un jour en disant que « je n'étais pas enceinte. Que c'était faux ». Je lui montrais l'échographie. On y voyait une petite boule. Un petit cœur. Il ne me croyait pas. J'étais une menteuse. Il partit sur le champ trouver une autre conquête. Tu es dans mon jardin. Toi, petit cœur, ton géniteur parlait de toi en disant " ce qui s'est passé", il a fuit toute discussion et tout dialogue en me disant :" je sais que tu vas avorter, tu as vu ta vie, etc." Mes petits jamais nés … Mes petits … Mes enfants … Je n'ai jamais oublié aucune date. Celle où vous êtes partis et celles où vous m'auriez rejoins, celles où nous devions nous dire bonjour.

J'attends le jour où nous nous retrouverons.

Celles qui disent « que cela passe avec le temps » se trompent. Non ce n'est pas vrai. Le temps ne suture pas une blessure. Le temps passe et chaque jour ici bas me rapproche de vous.

À jamais dans mon cœur. Adèle, Émile , Bella , petit cœur Paul .

 

J'ai 38 ans et souhaite témoigner anonymement. Je suis dans la salle d'attente de la clinique, salle d'attente qui fait office d'hall.

Vous êtes enceinte ? me dit une voisine

– "Oh non pour moi c'est fini les enfants. J'en ai déjà cinq."

Le ton est détaché. Je m'entends parler comme un robot. Je souris.

"Et vous , c'est pour quand ?" dis-je

– "juillet".

-"Vous allez voir : ça va vite passer".

Il n'y a que des femmes au gros ventre. Elles sont parfois accompagnées.On lit leur bonheur dans les yeux. un bonheur partagé. Ils sont deux.Je suis seule.Le médecin a plus de deux heures de retard. En deux heures on a le temps de se poser beaucoup de questions. Est-ce le bon choix ? On a le temps de voir le bonheur et de cacher sa tristesse. Prendre un air détaché.

On a le temps de mesurer son malheur en regardant la joie des autres. Ils se tiennent la main. Elle caresse son ventre. Ils se parlent. ils rient, se sourient. Ils sont deux. Ils savourent leur bonheur.Deux heures trente de retard. Je voudrais ne pas être là et fuire. Que cela ne soit jamais arrivé.Je voudrais être trois. Je suis seule dans ce hall lugubre. Les futures mamans partagent leurs questions. Moi , je ne suis pas préssée, je ne suis "plus" enceinte et d'un air détaché, je m'envole dans mes pensées :

"Je serais toujours avec toi. Mon petit cœur. Je fais cela pour toi. J'ai si peur de ne pas y arriver toute seule. J'ai si peur de ne pas être la mère qu'il te faut. J'ai si peur et je me pose mille questions. Dieu, que les hommes sont lâches …Dieu, pardonne moi. Mon petit cœur, pardonne moi. Tu seras avec Adèle, Émile et Bella. Parfois, souvent, tout le temps je penserai à toi. Mille larmes couleront sur mes joues et mes yeux rougis regarderont le ciel, cherchant un signe, une réponse, un pardon. Un jour je vous rejoindrai. Nous serons tous réunis pour toujours et nul ne nous séparera. Plus personne ne choisira pour nous. Je pourrais enfin faire votre connaissance, vous dire pour de vrai : pardon. Je ne vous chercherai plus parmi les étoiles.

Trois heures de retard. J'entre dans le cabinet. Je ne peux retenir mes larmes.

Pardon petit cœur … Pardon …Un jour, je te promets que je t'expliquerai. Je te dirai ma vie. Je te dirai combien j'ai eu peur de ne pas y arriver, de ne pas être une bonne maman. Un jour, je te dirai que je n'ai pas eu le temps de penser. C'est comme si j'avais été happée dans un tourbillon noir avec la peur de ne pas savoir t'éduquer, t'élever, payer ta nourriture et t'offrir un univers plein de promesses. Tu sais, petit cœur , les hommes sont lâches . Ce soir, je te parle beaucoup. Je voudrais que tu soies avec moi. Je voudrais t'attendre. Je voudrais que nous soyons trois. Pardon pour ma lâcheté. Je suis punie pour le reste de ma vie.J’attendrai, j'espère que tu me pardonneras quand on se retrouvera. Adèle, Émile, Bella et toi petit cœur êtes ensemble. Je voudrais vous rejoindre, vous expliquer et vous demander pardon d'avoir été aussi lâche .

Je ne supporte plus la vision d'une femme enceinte. je ne supporte plus la vision d'un bébé. J'ai mal depuis tout ce temps. À chaque fois j'y ai cru. À chaque fois « les géniteurs » ont niés ce que vous étiez pour moi. À chaque fois, j'ai eu peur. Je pleure depuis ce temps. 

Depuis toi, Adèle. J'ai tout fait pour te sauver. Tout. Tout. Mais il a prit rdv au planning et le lendemain je passais au bloc. Émile, j'ai fais ce que j'ai pu. J'ai essayé, j'ai fais de mon mieux. Ton géniteur me demandait combien coûtait un landau. Sa mère me disait : "il aura peut être les yeux bleus". C'était tellement irréel que le géniteur changea d’avis. Il reprit rdv pour moi. Mes supplications n'y changèrent rien. Tu fus « enterré » dans le pot de fleur de la terrasse. Bella, ton géniteur est parti un jour en disant que « je n'étais pas enceinte. Que c'était faux ». Je lui montrais l'échographie. On y voyait une petite boule. Un petit cœur. Il ne me croyait pas. J'étais une menteuse. Il partit sur le champ trouver une autre conquête. Tu es dans mon jardin. Toi, petit cœur, ton géniteur parlait de toi en disant " ce qui s'est passé", il a fuit toute discussion et tout dialogue en me disant :" je sais que tu vas avorter, tu as vu ta vie, etc." Mes petits jamais nés … Mes petits … Mes enfants … Je n'ai jamais oublié aucune date. Celle où vous êtes partis et celles où vous m'auriez rejoins, celles où nous devions nous dire bonjour.

J'attends le jour où nous nous retrouverons.

Celles qui disent « que cela passe avec le temps » se trompent. Non ce n'est pas vrai. Le temps ne suture pas une blessure. Le temps passe et chaque jour ici bas me rapproche de vous.

À jamais dans mon cœur. Adèle, Émile , Bella , petit cœur Paul .